Plus FORD que jamais

26 février 2011

Voila que l’Atomic Garage, construit au tout début des années 1950 et qui fut le centre d’intérêt de tout le département lors de sa construction, va fêter ses soixante ans. Qui aurait cru à l’époque que celui-ci serait aujourd’hui à l’abandon et qu’il faillit même être rasé en l’an 2000 pour laisser place à une barre d’HLM ?

Lorsqu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, Eustache Devain, ferrailleur et résistant de la dernière heure de son état, se lance dans la construction de ce garage, à l’architecture cylindrique, très années trente, tout en béton et en verre, les mauvaises langues firent courir le bruit que…

Le bruit a eu beau courir longtemps. La rumeur s’amplifier. Rien n’y fit. Le garage a traversé le temps et est toujours là. D’accord, son patron a fait faillite en 1983. Mais ce n’était plus Eustache Devain. Celui-ci l’avait revendu en 1975.

Mais, au fait. Pourquoi ce nouveau délire ? C’est vrai, ça ! Cela fait un bail que je n’en ai pas écrit. Faute d’inspiration. Et là, aujourd’hui c’est reparti. Oui mais, sans la folie habituelle, presque comme s’il s’agissait d’une commande. Et pourtant personne ne m’y pousse. Oui mais, c’est une voiture qui m’incite à le faire. Une voiture qui m’a révélé tous ses secrets cette semaine alors que je ne m’y attendais pas.

Une australienne… Encore diront certains. Oui, encore, car pour l’instant, il n’y a que sur cette île continent que l’on peut trouver de telles voitures, ou tout s’ouvre et où le volant commande l’orientation des roues avant. Et pour un prix encore raisonnable (pour la découvrir en détail).

Bon, revenons à notre délire, voulez-vous.

En cette fin de février 2011, où la neige fait défaut depuis les épisodes épiques de décembre 2010, nombreux sont ceux qui se sont rendus au chef-lieu du département pour profiter d’une opération portes ouvertures de l’Atomic Garage. Cette opération a été l’occasion d’organiser une concentration de modèles Ford Australia plutôt musclés.

Loric Hulaire accueille chaque nouvel arrivant et lui indique où se garer.

_ Bonjour ! Loric Hulaire… Oh, pardon, Monsieur…

_ Manpassoif. Gérard Manpassoif.

_ J’ai cru que c’est la voiture de Trebor.

_ C’est. Il me l’a prêtée pour venir.

_ Comment allez-vous ?

_ Bien, merci et vous ?

_ Bah. Ce n’est pas l’affluence escomptée.

_ C’est certainement dû à la crise.

_ Elle a bon dos celle-là.

_ Elle est où ?

_ Sur le toit. Et il fait déjà des jaloux.

_ La Dodge, à côté ? C’est bien celle d’El Babosa ?

_ Oui, quand je parlais de jaloux…

_ Je vois, c’est celle des mauvais jours.

_ ???

Que je vous explique. Lorsque j’ai créé le personnage de Pedro Barbosa, détective privé madrilène, inspiré très librement du personnage de Pepe Carvalho, le célèbre détective privé barcelonnais dû à Manuel Vàsquez Montalbàn, je l’avais imaginé un peu soupe au lait, avec une bonne humeur ou une humeur massacrante. Et pour la mettre en image j’avais pensé recourir à l’une ou l’autre version de la Dodge Dart 270 d’Ixo. Sauf que jusqu’à récemment je n’avais pu me procurer la seconde. A laquelle j’ai recours aujourd’hui.

_ Vais devoir y aller mollo.

_ Garez-vous là à droite. Il y a encore un peu de place.

_ Merci. A plus tard.

Alors qu’au rez-de-chaussée et aux étages intermédiaires, sont exposées des Ford de moindre intérêt, c’est sur le toit du garage que tout se passe.

Et là, devant un groupe d’amateurs, trône La Voiture, encadrée par deux grognards des campagnes napoléoniennes. Pourquoi ??? Parce-que ! Il fallait bien mettre du monde et qu’il n’était pas possible de faire appel aux Fire girls (cf. Les belles bacchantes) trop dénudées.

Et puis, il y a Christian Lecardinal, un humoriste qui anime le plateau. Animer est un bien grand mot car le public, totalement masculin, est des plus clairsemés. Il méritait bien plus d’audience. Mais en bon professionnel qu’il est, il assure comme il est politiquement correct de dire aujourd’hui.

Et question politique, Christian Lecardinal n’y va pas avec le dos de la cuiller. En ce moment il déblatère sur les relations méditerranéennes. C’est d’actualité. Une actualité très brûlante.

Gérard Manpassoif aperçoit son ami Pedro Barbosa en admiration devant La Voiture qui tourne devant le public. Il le sent très attiré par elle mais réticent à s’en approcher davantage. Quelque chose semble le retenir ou le repousser.

_ Alors, Pedro, t’es revenu ?

_ Salut Gérard. Comme tu vois… Trop tard.

_ Trop tard ?

_ Ouais, elle m’a échappé.

_ Qui ça ?

_ Joue pas au con avec moi ce coup ci.

_ D’accord. D’accord. Explique-moi.

_ Tu vois cette voiture. Ça fait trois mois que j’étais sur le coup. Et c’est lui qui l’a obtenue.

_ Et ?

_ C’est pas juste. Il n’est pas collectionneur, lui. Juste amasseur.

_ Là, t’es injuste. Il ne collectionne peut-être pas de la même manière que toi. Mais c’est quand même un collectionneur.

_ Bon. Bon. Admettons. Mais qu’est-ce qu’il va en faire de cette voiture ?

_ T’auras qu’à le lui demander. Il parait qu’il sera là en fin de journée.

_ Parce que tu crois que je vais l’attendre ?

_ Je crois que tu le devrais.

_ Et pourquoi ? Tu peux me l’expliquer ? Y en a plus beaucoup des voitures comme celle-ci aujourd’hui. Et dans cet état, deux ou trois. Et à quel prix ?

_ Bon, écoute. Calme-toi et dis-moi comment t’as fait pour la rater.

_ J’ai pourtant fait appel au réseau des gens d’Aires. Même eux se sont cassé le nez.

_ Faut dire qu’avec leurs méthodes, il y a beaucoup de portes qui se sont fermées devant eux.

_ Que leur reproches-tu ?

_ Oh moi rien. Mais j’ai entendu certains propos selon lesquels ils se sentent un peu en pays conquis partout où ils se trouvent. Un peu comme pour la World Company des Guignols, si tu vois ?

_ Très bien. Et…

_ Et, de plus en plus de gens préfèrent traiter avec d’autres, plus souples. Ou directement, sans intermédiaire, grâce au net.

_ Ah, c’est comme ça qu’il a pu l’acheter ?

_ Et oui, pas plus difficile que ça.

_ N’empêche elle me fait envie cette bagnole.

Alors que Christian Lecardinal vient de descendre du plateau et signe quelques autographes, un personnage monte sur celui-ci et regarde en détail La Voiture.

El Babosa s’en aperçoit et, vivement, tire par la manche son ami Manpassoif.

_Viens, faut que j’en ai le cœur net.

_ Quoi ?

_ Qui c’est ce gugusse la haut ? Qui se permet d’approcher cette voiture.

_ Tu l’as pas reconnu ?

_ Parce que je le devrais ?

_ Pour un détective privé… Tu te pose un peu là… Tu m’ déçois Pedro… Tu m’ déçois.

_ Tu vas finir par cracher le morceau ! A te regarder, tu me caches quelque chose.

_ Je t’ai dit d’attendre, tout à l’heure.

_ Ouais. Et alors ? j’ t’ai dit que je n’avais pas que ça à faire.

_ Et t’aurais bien tort.

Tout à coup Pedro Barbosa saisit les revers du blousons de Gérard Manpassoif et commença à le secouer un petit peu.

_ Tu vas me dire ce que je fais ici ? Dis-moi ce que tu sais !

_ Il ne vous dira rien.

La voix venait de derrière. Au-dessus de lui. Elle ne lui était pas inconnue mais pourtant il lui fut impossible de mettre un nom dessus. Peut-être parce qu’elle était un peu plus forte que d’habitude pour l’inciter à lâcher sa prise et à se calmer. Pedro Barbosa décida de se retourner et il le vit.

_ Bonjour Pedro !

_Bonjour…

_ Tu ne reconnais pas Trebor ? Lui dit Gérard Manpassoif, revenu du coup d’humeur de son ami.

_ Maintenant que tu le dis. Excusez-moi, je ne vous avais remis tout de suite.

_ Ce n’est pas une raison de vous en prendre à Gérard. Il n’a fait que répondre à ma demande.

_ J’ crois que j’en perds le peu de latin qui me reste.

_ Y a pas de raison. Surtout maintenant qu’Elle est là.

_ De qui parlez-vous ?

_ Mais de cette GT-HO, là derrière.

_ Encore cette maudite voiture !

_ Pourquoi maudite ?

_ Parce-que je l’… … Parce qu’elle est à vous ? C’est vous qui l’avez obtenue ?