Les Lambo du garage

Les Lambo du garage

Pancrace Palavet est un original, à l’affut de la moindre affaire, du début à la fin de l’année. Alors que la crise des subprimes a commencé à faire des ravages dans le monde des traders, il s’est mis à roder autour d’eux. Il mit en branle ses réseaux. Je devrais plutôt écrire : son réseau. Voire : ses indics. Enfin, il fit fonctionner sa batterie de portables. Là je peux y aller, il en a toujours au moins cinq sur lui et plus du double de cartes sim. C’est un adepte du coup de fil sans trace. Un appel, une nouvelle carte sim. On n’est jamais assez prudent. Ce pourrait être sa devise. Parano de chez Paranoïa. Pourtant ses affaires sont tout à fait légales. Du moins jusqu’à présent. Mais il a peur. Il redoute. Il craint qu’un autre reprenne son idée et la développe avant lui. Et comme, des idées il en a une nouvelle toutes les trois minutes, il a juste le temps d’en lancer une, qu’il réfléchit déjà à la suivante. Mais là son idée l’a dépassé. Il a dû se rendre à l’évidence, il n’y arriverait pas tout seul. Alors il a fait appel à Philogone Desbaff, plus connu sous le nom de Phil Desbaff (1), ancien importateur d’Holden sur le canton de Cernés, qui végétait depuis sa faillite.

Pancrace rencontra donc Philogone pour lui demander de s’associer avec lui en vue de mettre en œuvre sa Grande idée. Il est vrai que Philogone était un bon commercial et un gestionnaire acceptable. Il n’avait pas eu de chance, c’est tout, avec la déconfiture causée par la disparition de sa clientèle britannique.

De son côté, Pancrace, fin négociateur et argenté apporterait ce qu’il manque à Philogone.

L’affaire se traita, un soir dans un des salons de l’Hôtel Au lion d’or & Bezoci (2). Philogone assurerait la gestion et la vente de ce que Pancrace achèterait et financerait. Bien entendu, ce serait lui le patron vu que Philogone ne pouvait plus l’être.

Ainsi, vit-on un beau matin, renaître le garage de Jessuy sur Piay qui était à l’abandon depuis des années. Aujourd’hui c’est une affaire qui tourne assez bien et spécialisée dans le négoce de Lamborghini d’occasions.

Eh oui, l’idée de Pancrace Palavet était de profiter de la panique de certains traders et autres affairistes financiers pour leur racheter à vil prix leurs Lamborghini et autres Ferrari ou Aston-Martin. Ne gardant que les premières, il servait de rabatteur pour les secondes aux gens d’Aires qui les lui rachetaient.

Voici l’équipe de Phil Desbaff à l’œuvre un jour de semaine. Un jour où une Miura SV quasi à l’état neuf fut exposée à la vente.

_ Alors qu’en penses-tu  de cette merveille ?

_ C’qu’ j’en pense ? C’est que j’ai pas le premier pion pour m’ la payer.

_ T’ parle pas d’argent. Mais de sa ligne, de son état.

_ Ah ! Dans quel état j’erre ?

_ La première, à droite en entrant.

_ De quoi tu parles ?

_ Ben de l’étagère où j’ai posé son dossier.

_ Et si je t’ dis où cours-je ? Tu me réponds, d’aller au potager ?

_ Non, mon pote âgé.

_ Oh, put..n. Où veux tu m’entraîner ?

_ Nulle part ailleurs.

_ Tout à l’heure, tu m’as demandé ce que j’en pensais de cette Miura.

_ Ouais.

_ Et bien, ça m’est revenu depuis. Tu te souviens de ce qui a précédé son lancement ?

_ Non.

_ Tu t’en rappelles pas ?

_ Non. J’ t’ dis.

_ Me rappelle plus si c’était dans l’Auto-Journal ou l’Automobile magazine de l’époque. Ou dans les deux ou un autre journal. Ils avaient lancé un concours auprès des dessinateurs amateurs. Et le dessin retenu devait être transformé en une vraie voiture.

_ Et alors ?

_ Alors ? Ce fut le bureau de design de Bertone qui remporta l’affaire…

_ (1) cf. 2-130 Plus dure sera la chute

_ (2) cf. 2-211 Il était une foi… celle du verre à soi

 

 

 

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