Les dits « Gégé »

_ J’ vas canceller le rendez-vous,

_ A cause ?

_ On est djammés asteur.

_ OK ! N’oublies point de slaquer les journaleux.

_ T’as raison, mais after faudra rusher.

_ Bon, moi j’ vas aux bécosses.

_ Botches pas la chose.

_ Breaks pas trop non plus.

_ J’ paries qui va pas se cailler là d’dans.

…..

_ C’est l’heure d’y aller. Tu sors le char et tu criardes.

_ Va pas falloir cruiser.

_ Hé, Léon, déguédine vite, on va être en retard.

_ J’ paries qu’ il va oublier de remonter ses combines.

_ C’est pas une garette qu’on a.

_ Vrai, mais z’allons jammer les rues avec !

_Gaffes à pas lutter contre les bornes !

_ Et tu sais où tu vas parquer ?

_ Slaque la poulie, veux-tu ! On n’est pas si en retard que ça.

……………….

Comme l’étroit mousquetaire, qui étaient quatre, l’édit Gédéon étaient onze…

Comprenne qui veut… ou qui peut. Certains penseront que c’est l’effet d’un coup de châleur alors qu’il ne s’agit que d’un coup de cœur. J’aurais plutôt du écrire, un coup de chœur, car c’est dans une petite église évangéliste du fin fond du Québec que tout a commencé. A Saint Marc de Figuery, pour être tout à fait exact. Dans le Comté d’Abitibi. Un trou au milieu de nulle part, de 781 âmes où tout le monde se connait et qui s’est fondé en 1915.

Aussi, lorsqu’en 1971, les Saint Marcois virent arriver un vieux combi Volkswagen bariolé et fatigué, leur premier réflexe fut de se barricader chez eux puis le second de décrocher leur fusil. Pourtant, ils n’avaient rien à craindre du couple d’hippies qui arrivait. Ils étaient des plus inoffensifs. Tout ce qu’ils voulaient c’était un bout de terre à cultiver. Ils trouvèrent à louer quelques acres au bord du chemin des Charolais. Ils finirent par s’intégrer plus au moins à la communauté au point qu’en 2001, lors des élections municipales Gédéon Lampion, l’un des petits fils des premiers colons fondateurs de Saint Marc de Figuery (1), découvrit qu’il n’était plus le seul à porter ce prénom. Ils étaient maintenant deux, avec Gédéon d’Issy La Revoyure d’Enghien… le fils des hippies !

Il s’en approcha et entreprit de le mieux connaître. Et, de fil en aiguille, entre une bonne bière et un peu d’herbe, le courant passa entre les deux garçons qui découvrirent par la même occasion, qu’ils avaient un ancêtre commun, un certain Gédéon Lambris qui avait quitté la France pour le Canada en 1742 et y avait fait souche. Lampion par son père, et d’Issy la R… par sa mère, pure roturière à l’inverse de son compagnon.

Put..n quelle mise en route !

_ Pourtant tu voulais faire amusant dès le départ. Non ?

_ Si, mais j’ai loupé la marche et je me suis noyé dans les détails, mais bon, fallait créer un climat assez lourd, pesant, renfermé, replié sur soi même. Etouffant si tu vois c’ qu’ j’ veux dire. Le genre, qu’est c’ qu’on s’ fait ch..r ici. Y se passe jamais rien. Et dès que quelqu’un pète tout le monde en profite…

Alors, si un peu de mouvements peut venir distraire ces chères âmes engourdies, ça démarre sec.

Et c’est ainsi que cela a démarré.

La fumette aidant, d’enchères en surenchères, les deux compères se lancèrent un défit : à celui qui retrouvera le plus de Gédéon en trois semaines, en vue de les réunir.

Et le jour dit ce furent dix Gédéon qui se retrouvèrent à l’église puis autour d’une bonne table en plein air, sous l’auvent, pour fêter l’événement. Fait curieux et des plus étranges, ils descendaient tous, d’une manière plus ou moins régulière du désormais fameux Gédéon Lambris.

Ils en étaient déjà aux plats de résistance lorsqu’il virent approcher un puissant 4x4 d’où descendit un immense échalas très élégamment vêtu, style playboy des villes.

(Pardonnez-moi d’interrompre ce récit, mais je viens de recevoir une série d’e-mails de lecteurs furieux de n’avoir rien entravé du dialogue écrit au début de ce texte. Aussi plutôt que de le réécrire, je vais vous écrire le dialogue suivant, directement en français d’aujourd’hui)

_ Je pense que vous m’avez oublié, dit-il en approchant et en guise de bonjour.

_ Et pourquoi donc ? Et à quel titre ?

_ Je m’appelle Ludovic Lambris de Parquais.

_ Et alors ?

_ Je descends moi aussi de votre ancêtre Gédéon Lambris, mais en ligne directe, moi…

_ Peut-être, mais tu ne prénommes pas Gédéon.

_ Si, mais en deuxième prénom. A l’état civil je m’appelle Ludovic Gédéon Maxime Marie Dominique Lambris de Parquais et je suis un descend…

_ On sait, tu l’as déjà dit. Bon et nous qu’est ce qu’on fait ?

C’est alors que Gédéon Fleurbon lança :

_ Ben, les trois mousquetaires de Dumais étaient bien quatre : Aramis, Athos, Porthos et d’Artagnan. Nous nous serons les Dix Gédéon, mais à onze.

_ Banco, mais on changera le nom : ce sera l’Edit Gédéon. Allez, viens avec nous. Bienvenu dans la bande.

La journée avançant, l’après-midi succéda à la matinée, puis ce fut le tour de la soirée puis celui de la nuit. Le temps passant et les heures s’écoulant, les bouteilles se vidèrent, leur contenu suivant le sort des heures. Au final personne ne fut en état de rentrer chez soi sans assistance.

Quelques jours passèrent. Le temps que certaine brume se dissipe complètement et permette à certaines images de ressurgir.

_ Des images ? T’es bien sûr ?

_ Bon, disons des mots, des paroles, une discussion et un projet.

_ Un projet de quoi, au juste ?

_ J’en sais fichtre rien, moi… J’y étais pas là-bas, dans ce trou paumé. M’appelle pas Gédéon non plus.

_ Alors pourquoi t’es tu lancé dans cette histoire ?

_ … Ah ! Oui, ça m’ revient. C’était pour vous parler du spectacle que j’ai vu en Avignon. Lors du festival off (2) la semaine dernière.

_ Et c’était quoi ?

_ L’édit Gédéon, par Les dits Gégé.

_ Encore !

_ Ben quoi ! Faudrait savoir ce que vous voulez à la fin ?

_ Ce que je veux ? Mais la suite de ce délire. Enfin, une suite sensée, cohérente, qui tienne la route.

_ Ah ! Pour tenir la route, elle va la tenir la route. Et même toute la route…

_ Je disais donc que j’ai vu un spectacle intitulé « L’édit Gédéon »…

_ Vous l’avez déjà dit.

_ Qu’est-ce qu’ j’ viens de vous dire ?

_ Que vous parliez d’un spectacle « L’édit Gédéon »…

_ Cette fois c’est vous qui vous répétez.

_ Ouh là ! Faut qu’on s’ calme sinon on va jamais y arriver.

_ Ce spectacle, disais-je, racontait de manière anachronique mais fort inventive la création du comté d’Abitibi par une troupe de comédiens, « Les dits Gégé ».

_ C’est eux qu’ont créé ce comté ?

_ Non mais ce conte. Ils l’ont écrit et ont joué la pièce.

_ Boff, comme beaucoup d’autres.

_ Peut-être, mais faut voir dans quoi ils se déplacent.

_ Pourquoi ? Ça a un rapport avec le spectacle ?

_ Non, mais c’est assez impressionnant. Surtout lorsque tu les vois circuler dans le centre d’Avignon.

Je vais te montrer…

_(1) Figuery, en souvenir d’un capitaine du régiment du Barn de l’armée de Montcalm qui s’illustra sur le sol canadien, lors de la guerre de 7 ans qui débuta dès le 28 mai 1754 avec la mort d’un officier français à Fort Duquesne, soit deux ans avant sa déclaration officielle.

_ (2) Ne cherchez pas à le voir, il n’est que le fruit de mon imagination. Quoique… On ne sait jamais.

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Les dits « Gégé »

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