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FCF-Rétrovision 3
26 mai 2009

Du mou dans le raisin

Histoire immorale

J’ai souvenir d’effluves très odorantes et un tantinet enivrantes flottant à proximité de certaines caves coopératives viticoles. Celle du village de mon grand-père à Olonzac (34), celle de Trets (13) que j’apercevais de mes fenêtres, de l’autre côté de la gare.  Elles provenaient des mous de raisin qui étaient entreposés à l’extérieur. Ça valait toutes les odeurs de gaz d’échappement que l’on respire de nos jours. Ça voulait dire que les vendanges étaient terminées et que le travail de vinification était en cours.

Cela donna un jour des idées à l’équipe de celui que j’ai baptisé XY dans l’épisode précédent, faute de lui avoir trouvé un nom sur l’instant. En fait je l’ai trouvé mais je l’ai utilisé pour autre chose. Aussi vais-je continuer à l’appeler ainsi pour le moment où je fusionnerai le tout, si j’y parviens un jour. Faut pas désespérer. Tout arrive à qui sait être patient et opiniâtre.

Leur camion revenait de Marseille avec son chargement de sacs. Ils les avaient chargés dans un entrepôt de la Valentine. Alors que l’Unic Izoard peinait dans la montée de la traversée de la Bouilladise, Roger, le chauffeur demanda à son passager de lui allumer une Gitane. Il venait d’avoir fait le plus délicat. S’extraire de Marseille et de sa banlieue. Dans 2 kilomètres ils quitteraient la nationale pour regagner le domaine. Les dernières maisons dépassées, la route devint droite et plane. Il commençait à relancer le moulin. Mais il dut vite déchanter car à l’approche du carrefour de la Pomme il vit un attroupement de képis et d’uniformes. Des noirs et des kakis.

_ Maquarel !

_ Késako ? Fit en écho Antoine, son convoyeur.

_ Tony ! Tu la fermes. C’est moi qui cause… d’accord ?

_ D’accord Roger.

_ Gendarmerie nationale ! Se présenta le premier képi qui se porta à la hauteur de son camion et se hissant sur le marchepied jeta un coup d’œil dans la cabine.

_ Veuillez couper le moteur. Contrôle des douanes. Ça risque d’être assez long.

_ Mais Brigadier, je vais pas loin moi…  je vais qu’à Trets…

_ Loin ou pas, vous attendez votre tour. Et je suis que Gendarme. Pas brigadier.

_ Bordille ! C’est bien notre chance, juste aujourd’hui où on est à la bourre. Bordille de bordille. L’esquicherais bien cet imbécile. Et pas moyen de prévenir le patron.

Antoine se pencha alors à sa portière pour regarder qui était bloqué derrière eux. La courbure de la route lui permit de découvrir la file qui se constituait après le camion. Il poussa du coude Roger.

_ Roger, y a Ernest derrière. Salut ! Et il sauta du camion et se mit à courir vers une camionnette trois voitures plus loin.

Il se dirigea vers le conducteur, mais celui-ci le reconnaissant, lui fit signe de monter à côté de lui.

_ Alors Tony, t’es dans le secteur ?

_ Ouais, et dans le pastaga aussi. Le camion est bloqué par un contrôle des volants. Faut que je prévienne le patron.

_ Te bile pas Tony, tu seras assez tôt à Trets.

En effet, un gendarme leur faisait signe de sortir de la file et de poursuivre leur route. Seuls les camions semblaient intéresser les douaniers. Arrivés à la hauteur de la cabine de l’Unic Tony envoya un signe complice à Roger qui essayait de se contenir.

Et moins de vingt minutes plus tard ce fut son tour.

_ Douanes nationales. Contrôle du chargement. Veuillez descendre s’il vous plait.

Tout en maugréant, Roger s’exécute. Vérifie que le frein à main est bien serré et saute à bas de sa cabine en claquant la portière.

_ Présentez nous vos titres de transports.

_ Mes quoi ?

_ Les papiers pour le chargement. Z’avez pas l’habitude ?

_ Non. Moi vous savez, je conduits, c’est tout. Les papiers c’est pas mon fort. Répond-t-il en ouvrant la poche haute de sa salopette pour en retirer une liasse de papiers déjà froissée. Pourtant il n’y avait pas plus d’une heure et demie qu’il l’y avait glissée.

_ Et que transportez-vous ?

_ Du ciment, c’est écrit sur les sacs.

_ A l’arrière, oui, mais à l’avant…

_ Ça pue pas assez ? Vous sentez pas ?

_ Si. C’est quoi ?

_ Du mou de raisin. Ça chlingue un max !

_ J’avais remarqué ! Pour en faire quoi ?

_ Ben ! Le distiller.

_ Z’avez un congé ?

_ Suis pas en vacances, moi. Je bosse Duc…  Il se retint juste à temps.

_ C’est pas là dedans ?

_ Si, pardon… Et vous allez où avec ?

_ Ben à Trets… c’est pas écrit ?

_ Si. Mais je voulais voir si ça correspondait bien.

_ Ben voyons !

_ Oh ça va…  Allez, vous pouvez remonter.

_ Merci, lui répondit Roger en portant la main à sa casquette.

Et une fois dans sa cabine :

_ Ouf, j’ai eu chaud…

Lorsqu’il arriva enfin dans le domaine Roger klaxonna sur un rythme convenu. Les portes d’un entrepôt s’ouvrirent et se refermèrent immédiatement après l’entrée du camion.

_ Alors ? lui demanda un de ceux qui se trouvait à l’intérieur, qui paraissait le chef.

_ J’ai eu chaud ce coup-ci.

_ Je sais, Tony m’a appelé de Peynier.  Il a attendu que tu sois passé pour repartir.

_ Une vraie fouine,  cette bordille !

_ Qui ça ?

_ Ben le douanier. Devait avoir le nez bouché, parce que ça fouette derrière ! L’avait quand même envie d’ouvrir pour voir.

_ Pourtant l’argent n’a pas d’odeur !

_ Faut croire que si… Mais il a rien vu.

_ Et pour la dope ?

_ La quoi ?

_ Ben, la poudre… la coco quoi ?

_ Où ça ?

_ Dans les autres sacs.

_ Les autres sacs ?  Les sacs de ciments ?

_ Ouais.

_ Pourquoi, c’était pas du ciment ?

_ Non.

Et ils partirent dans un énorme rire.

Mou_raisin_GR01

Mou_raisin_GR02 Mou_raisin_GR03 Mou_raisin_GR04 Mou_raisin_GR05

Faut dire que si tous les sacs contenaient bien du mou de raisin, certains contenaient aussi des liasses de billets de 10 ou 20 $, imprimées sur les rives de l’Huveaune, pour un montant de 5 millions de $.C’est dans ce trésor que venaient se financer les acteurs nocturnes de « Sous l’écorce du melon ».

Et il y avait pour 2.5 tonnes de fausse farine à l’arrière du camion.


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